Notre expert
Bertrand Milas
Directeur Externalisation et BPO RH
Depuis maintenant deux ans, l’IA générative se démocratise au sein des entreprises. Dans quelle mesure ces nouveaux outils ont-ils déjà commencé à transformer le quotidien des services RH ?
On en parle avec Bertrand Milas, Directeur Externalisation et BPO RH.
Notre expert
Bertrand Milas
Directeur Externalisation et BPO RH
Comment les services RH ont-ils abordé la révolution de l’IA générative ?
Bertrand Milas. Les mutations ont été très rapides. Sur au moins deux grands axes – le recrutement et la formation – les services RH font déjà preuve d’une grande maturité dans leurs usages des outils basés sur l’IA.
L’IA, c’est bien sûr un enjeu de productivité pour la fonction RH, et une révolution pour tout ce qui concerne la gestion administrative. Aujourd’hui, une bonne partie de la sélection de CV, de la génération de contrats de travail ou de sous-traitance, de la constitution des fiches de postes ou de la gestion du suivi de dossier des salariés est automatisable.
Idem du côté de la formation : les systèmes d’intelligence artificielle sont très performants pour identifier les besoins de formation et faire la bonne proposition de manière ciblée en fonction de tout un ensemble de paramètres (axes stratégiques, des formations suivies par le passé, etc.).
Mais attention ! L’IA ne peut pas se limiter à des gains de productivité. C’est aussi et surtout une opportunité de proposer de nouveaux services aux collaborateurs dans une perspective de rétention des talents et de construction de la marque employeur. Je pense par exemple aux Chatbot RH, qui offrent un surcroît de réactivité et une expérience nouvelle aux salariés qui se posent des questions essentielles pour eux.
Nous voyons encore apparaître d’autres applications : aujourd’hui, au lieu de postuler poste par poste, il existe par exemple des systèmes qui vous permettent d’entrer votre CV pour vous sortir tous les jobs qui correspondent à votre profil. Bref, les applications sont vastes…
Les applications IA RH sont vastes. Mais un certain nombre de freins – voire de limites – ne persistent-ils pas malgré tout ?
Bertrand Milas. En l’état actuel des choses, oui, bien sûr. Je vois une première difficulté : derrière le grand concept d’IA, nous avons des outils qui dépendent grandement de la qualité des données qui vont venir les nourrir. Dans ces conditions, le déploiement de l’IA dans une organisation qui a encore du travail à faire pour structurer ses bases de données et mettre de l’ordre dans ses process risque d’être source de frustration et/ou de déception. C’est ce qui explique que l’IA entraîne une certaine standardisation opérationnelle dans les entreprises, et favorise les gros ERP RH.
Il existe une seconde limite, intrinsèque à cette famille de technologies : l’IA bute sur la gestion de tout ce qui est « non-normé ». Je pense par exemple aux questions de diversité dans les entreprises. Il y a quelques années, on parlait beaucoup de recrutement sans CV… Eh bien il se trouve que l’IA ne sait pas faire autrement ! L’IA est foncièrement conservatrice, et elle n’apporte par définition pas beaucoup de convictions dans un métier qui doit absolument en avoir.
Autre problème : l’IA a la mémoire courte, les données ne sont pas toujours disponibles au-delà d’une vingtaine d’années… Quand on sait qu’il a parfois fallu rappeler des DRH à la retraite, qui officiaient dans les années 70-80, pour appréhender le pic d’inflation des deux dernières années, on se dit que l’IA n’a pas forcément réponse à tout !
Et dans le futur, quels usages RH voyez-vous se profiler ?
Bertrand Milas. Ce qui s’esquisse d’ores et déjà, c’est une révolution dans la gestion prédictive des ressources humaines. Avec l’IA et le big data, de nouveaux outils de strategic workforce planning vont se généraliser, et permettre le pilotage dans le temps de ses ressources et de ses coûts. Aujourd’hui, rien qu’en se basant sur les données librement accessibles sur LinkedIn, il est possible de construire de nouveaux modèles pour les politiques de rémunération.
Nous n’en sommes qu’au tout début, mais une chose est certaine : l’IA va changer les profils-types au sein des services RH. Nous aurons moins de profils administratifs, mais dans le même temps, nous aurons davantage besoin d’avoir un oeil critique. Il ne s’agit pas d’une suppression de tâches, mais d’une profonde transformation des métiers RH. L’intelligence artificielle n’est intelligente que jusqu’à un certain point : c’est aux RH d’apporter l’intelligence nécessaire pour ajuster l’organisation, sa culture et ses process opérationnels avec les outils IA.
En d’autres termes, l’IA n’est pas un sujet qui ne concerne que la DSI, loin de là ! Les services RH doivent évoluer pour devenir les véritables co-pilotes de la machine.
L’IA n’est intelligente que jusqu’à un certain point : c’est aux RH d’apporter l’intelligence nécessaire pour ajuster l’organisation, sa culture et ses process opérationnels.
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