CSE : fin de la limitation des mandats ? Analyse et enjeux
Les « ordonnances Macron » de 2017 avaient instauré une limite de trois mandats successifs pour les représentants du personnel au sein des CSE.
Surprise : au milieu de la négociation de l’accord national interprofessionnel portant sur les séniors, les partenaires sociaux ont conclu un projet d’accord pour faire sauter le verrou.
Mise au point avec Laurent d’Auria et Céline Collot, experts en facilitation du dialogue social au sein d’Alixio Group.
De quoi parle-t-on ?
Ce n’était pas le coeur du sujet des négociations en cours, et pourtant, les partenaires sociaux se sont entendus pour faire sauter l’une des dispositions les plus emblématiques des « ordonnances Macron » de 2017 censées renouveler le cadre du dialogue social.
En effet, la loi interdisait depuis cette époque à un élu du CSE d’effectuer plus de trois mandats successifs, notamment dans les entreprises de plus de 300 salariés.
L’idée était alors de pousser au renouvellement des élus au sein des CSE et de susciter de nouvelles vocations pour redonner du souffle à la démocratie sociale au sein des entreprises. Les organisations patronales étaient logiquement très favorables à cette limitation, et à l’inverse vivement critiquée par les syndicats de salariés pour lesquels c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase avec la transformation de l’ensemble des instances représentatives du personnel (CE, CHSCT et DP).
Qu’est-ce que ça change ?
« Pour l’instant, pas grand-chose, car il faut encore que l’accord interprofessionnel soit transposé dans le code du travail », répond Laurent d’Auria.
Mais le fait qu’une partie des organisations patronales aient changé d’avis (la CPME s’est dite opposée à l’accord), est en soi signifiant : « les mandats auraient atteint la limite en 2030, donc les conséquences des ordonnances de 2017 n’étaient pas encore mesurables. Les partenaires sociaux ont cru bon d’anticiper ».
Que s’est-il passé ? « Les organisations patronales ont compris que se priver de l’expérience accumulée par les représentants du personnel, c’était se tirer une balle dans le pied. En règle générale, le premier mandat, c’est celui du rodage : on ne commence vraiment à rentrer dans le costume qu’à partir du deuxième », ajoute Laurent d’Auria.
Car entre temps, le climat social a changé, il y a eu les Gilets Jaunes, des mouvements de grève spontanés et incontrôlés, hors des cadres syndicaux habituels…
Céline Collot ajoute que « ces dernières années, marquées par le retour de l’inflation, ont été un révélateur du climat social dans les entreprises. Nous n’avions pas connu ça depuis des décennies : pour des responsables syndicaux peu expérimentés, gérer ce regain de conflictualité est tout sauf évident ».
Car le rôle d’un syndicat, c’est aussi de réguler et de canaliser les revendications, « de transposer des revendications individuelles en revendications collectives. Ce qui n’est pas toujours évident pour les jeunes générations… », toujours selon Céline Collot.
Et maintenant ?
Comme dit plus haut, il faut encore que l’accord soit transposé pour entrer en vigueur.
« C’est une manière de redonner le pouvoir de décision aux électeurs ! À eux de voir s’ils sont satisfaits de leurs représentants ou s’ils veulent en changer, et la loi n’a pas forcément besoin de s’en mêler », glisse au passage Laurent d’Auria.
Mais surtout, ce n’est peut-être que la première étape d’une réflexion sur l’attractivité du rôle de représentant des salariés.
« Comment donner envie aux salariés de s’impliquer et de se présenter sur une liste ? Comment mieux valoriser les parcours syndicaux et rassurer les nouvelles générations quant au fait que leur engagement ne pénalisera pas leur carrière ? Nous espérons maintenant que ces questions soient mises sur la table en 2025 », conclut Céline Collot.
La suite au prochain épisode !
Comment mieux valoriser les parcours syndicaux et rassurer les nouvelles générations quant au fait que leur engagement ne pénalisera pas leur carrière.
Interview de
Céline Collot
Facilitatrice du Dialogue social
&
Laurent d'Auria
Formateur Conseil Dialogue social
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