Nous sommes tous confrontés à cette crise inédite et complexe. Pour autant, chaque entreprise doit l’affronter avec ses particularités structurelles (financières, économiques et sociales) et en mesurer l’impact sur ses propres activités : un secteur à l’arrêt ou en surchauffe, une « supply chain » désynchronisée (ou non), des collaborateurs en télétravail, chômage partiel ou sur le pont… La solution universelle, applicable à tous n’existe pas. Néanmoins, il nous semble qu’une méthode globale avec la mobilisation d’outils pratiques peut aider à sortir de ce déconfinement et de cette crise de manière durable en s’attachant à la fois aux dimensions opérationnelles, sociales et humaines.
5 convictions
Envisager tous les scénarios et se tenir prêt
En premier lieu, un état des lieux précis sur les ressources humaines, financières, opérationnelles de l’entreprise, complété par une vision claire de l’état de la demande et du marché fournisseur nous semble nécessaire pour dessiner les perspectives de reprise.
Des scénarios très différents de reprise de la demande doivent être étudiés : la reprise de la demande peut être rapide et significative (reprise « en V »), marquée par une phase de latence (reprise « en U »), ou encore en dépression durable (cycle « en L »). Par ailleurs, Le déconfinement sera différent d’une plaque continentale à l’autre, d’un pays, d’une région, d’un secteur et d’une classe d’âge à l’autre.
Nous proposons de dédier une équipe en mode « task force » pour qualifier ces scénarios et élaborer le plan de sortie adapté.
Sécuriser la reprise
Le plan de sortie doit être élaboré sur plusieurs dimensions :
- Opérationnel : lancer des actions de relance de la demande de priorisation des commandes, de sécurisation des fournisseurs et de resynchronisation de la « supply chain » selon des boucles maîtrisées, d’ajustement des procédures de production, de gestion du besoin en fond de roulement, de refinancement à court terme et de préservation du cash.
- Humain et social : remobiliser les compétences et les énergies, déployer de nouvelles mesures sanitaires, envisager un changement de l’organisation du travail et temps de travail, revoir les objectifs et les éléments de rémunération.
Ce plan de sortie doit à la fois relancer l’activité et rassurer les collaborateurs, avec agilité et flexibilité pour pallier les incertitudes des scénarios évoqués précédemment. L’ensemble de ce plan de sortie doit s’appuyer sur le dialogue social avec les représentants des salariés.
Ré-armer la ligne managériale
La crise du Covid-19 n’a pas seulement imposé une distanciation sociale. Elle a pu créer une distanciation managériale entre les managers et leurs équipes, une différenciation sociale entre ceux qui sont en télétravail et ceux qui sont sur le terrain depuis le début du confinement, une incompréhension entre ceux qui étaient en arrêt pour cause de maladie, de garde d’enfant ou au chômage partiel, voire de la tension entre ceux qui sont partisans de la reprise d’activité et ceux qui demeurent circonspects par rapport aux mesures sanitaires mises en place.
La ligne managériale a un rôle crucial pour recréer le lien social entre les collaborateurs et redonner un sens au collectif de travail. Il va falloir écouter et prendre en considération leur propre vécu et leurs doutes pour qu’ils puissent ensuite se remobiliser, organiser l’expression de leurs collaborateurs sur leur vécu de la crise et être le relais du plan de relance.
Ré-engager les équipes
A l’image de cette entreprise qui a pris toutes les semaines le pouls de l’état d’esprit de ses collaborateurs durant le confinement, il nous semble important de développer cette pratique pour mesurer l’état d’esprit des collaborateurs avant la reprise (degré de traumatisme, motivations, préoccupations, besoins et attentes).
Nous proposons de mettre en place une séquence « catharsis » pour permettre aux équipes d’exprimer leurs incertitudes, leurs inquiétudes et leurs préoccupations sur les conditions de reprise, leur analyse des forces et des faiblesses révélées à l’aune de la crise.
Capitaliser sur ce moment de vérité et définir un nouveau « futur voulu »
La crise a pu déformer le modèle et le projet d’entreprise. Les actions à court terme doivent permettre à l’entreprise d’assurer sa survie économique, de sécuriser le retour sur site des collaborateurs et de remettre en marche l’appareil productif. A moyen terme, viendront les questions sur la pertinence et la robustesse du modèle d’entreprise : de quelle manière a-t-il été déformé par la crise ? Les déformations sont-elles durables ou temporaires ? Le projet d’entreprise est-il toujours pertinent ?
Une démarche en trois temps
Nous proposons une démarche en trois temps, en ayant à l’esprit 4 principes fondamentaux :
- Lancer les actions dès maintenant ! Et ne pas attendre le 11 mai (au mieux) pour relancer la machine, notamment pour les opérations qui sont à l’arrêt.
- Se mettre en situation d’agilité pour modifier et ajuster les plans d’actions avec réactivité, compte tenu des incertitudes sur la demande, le supply, les forces vives de l’entreprise, les décisions gouvernementales françaises et étrangères.
- Traiter l’urgence : assurer la survie avec un niveau de trésorerie suffisant, gérer l’urgence sanitaire et les conditions de retour sur site.
- Remobiliser et recréer un collectif : avoir une réflexion stratégique sur le modèle d’entreprise au travers de projets communs.
Avant la fin du confinement
- Nommer une équipe dédiée
- Faire un état des lieux précis sur les dimensions financières, économiques, opérationnelles, managériales et sociales
- Etablir une check-list de démarrage pour lister les actions prioritaires et sécuriser la reprise d’activité concernant la demande (communication, traitement des clients prioritaires, confirmation des commandes stratégiques), les fournisseurs (soutien aux fournisseurs critiques, partage de la demande), les collaborateurs, les partenaires sociaux, la production et les finances (refinancement, gestion du cash).
Au redémarrage
- Organiser la séquence « catharsis » en respectant les consignes de santé sécurité et la distanciation sociale. Les nombreux outils collaboratifs qui ont pris leur essor lors de cette période de confinement pourront être utilisés. Il nous semble important de libérer la parole, de partager le diagnostic de la situation et de permettre aux collaborateurs de s’exprimer sur la manière dont ils ont perçu l’entreprise au travers de la crise : a-t-on pu s’appuyer sur les forces de l’entreprise ? A-t-elle révélé des faiblesses insoupçonnées ? De quelle manière ont réagi la gouvernance, l’organisation, la chaine managériale, les opérations, la chaîne fournisseurs, la distribution et les ventes ? Le dialogue social, les valeurs et les comportements promulgués dans l’entreprise ont-ils été à la hauteur des enjeux ? La communication ascendante et descendante a-t-elle bien fonctionné ?
- Construire le plan d’actions avec des indicateurs précis pour le suivre et l’ajuster
- Communiquer largement sur ce plan d’actions. Ce moment de « catharsis » et ce diagnostic partagé permettent de construire et de partager le plan d’actions en se basant sur ce que la crise nous apprend. Il permet d’enclencher et d’expliquer les efforts demandés pour remettre l’outil productif en marche. Il justifie les changements mis en place, tant sur le plan de l’organisation du travail, que sur le plan des rythmes de travail, de fixation de nouveaux objectifs, de refonte de la structure de coûts et de priorisation des actions.
Un kit « Rebondir » publié par Alixio Change Management illustre les outils et approches que les managers peuvent utiliser de manière concrète pour organiser et animer les efforts de reprise.
Une fois l’activité relancée
Initier des travaux internes réinterrogeant le projet d’entreprise, le modèle d’entreprise et le pacte social. Les types de questionnement :
- Le projet d’entreprise : quel (nouveau) sens donner à notre mission ? Comment définir notre rôle au sein de la société ? Quelle solidarité ? Pour qui et comment ? Quels (nouveaux) métiers et quelles (nouvelles) compétences ? Comment redonner un sens au collectif ?
- Le modèle d’entreprise : quelle maîtrise des savoir-faire, stratégie industrielle et quelles (nouvelles) chaînes de valeur (ex : en circuit court) ? Quel (nouveau) modèle et équilibre financier ? Quel modèle de partage de la valeur ajoutée ? Quelle (nouvelle) organisation et quel modèle de leadership, de management ? Quelle organisation du travail, des rythmes, du télé travail, des équipes ? Quelles nouvelles pratiques dans la gestion des RH ? Quels modèles de flexibilité ?
- Le pacte social : quelle relation au travail et aux valeurs de l’entreprise ? Comment renforcer la confiance en l’entreprise et dans la chaîne managériale ? Quelle prise en compte managériale du vécu durant le confinement (chômage technique, chômage partiel, télétravail, conciliation avec enfants à la maison) ? Quel système de reconnaissance ? Quelles innovations sociales ? Quel soutien collectif et individualisé peut-on apporter à ceux qui ont été touchés personnellement ?
Les enseignements de la crise permettront à la Direction de revoir le portefeuille de projets de l’entreprise : certains projets devenus critiques devront être accélérés ; d’autres arrêtés ; et enfin d’autres (nouveaux), lancés. Le plan stratégique 21-23 et le programme de transformation correspondant devront être révisés à partir d’une année 2020 atypique.
Relancer un nouveau plan stratégique ne pourra se faire que si le diagnostic de la situation et le constat sont clairement partagés.
Conclusion
Cette crise nous oblige à nous réinventer. Nous avons certes utilisé notre expérience pour gérer au mieux la crise et organiser sa sortie opérationnelle, mais il nous faut innover pour que cette sortie de crise permette une relance solide de l’activité, une remobilisation managériale et un engagement durable des équipes. Nous vous proposons à travers cette démarche d’innover avec vous !
Article co-écrit par
Dans la même thématique…
Loi Florange, 10 ans après – Entretien avec Yann Morvan
C’était il y a dix ans : dans le sillage de la très médiatique fermeture des deux hauts fourneaux d’Arcelor Mittal en Moselle, la loi Florange était promulguée…
En deux-deux : Congés payés et arrêt maladie
L’entrée en vigueur des nouvelles règles en matière d’acquisition et de report des congés payés pendant les arrêts maladie signifie-t-elle un nouveau casse-tête…
Une pénurie de conducteurs dans tous les secteurs du transport
La pénurie de conducteurs s’est installée dans tous les secteurs du transport : voyageurs et marchandises, ferroviaire et routier, courtes et longues distances…