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20/05/2020

Impacts du COVID-19 sur les politiques de rémunération. Le calme avant la tempête ?

Notre expert

Rodolphe Delacroix

Rodolphe Delacroix

Directeur Associé Rémunération et Actionnariat

Alixio a recueilli les perceptions des principaux décideurs des politiques de rémunération à travers une enquête réalisée fin avril, au cœur de la période de confinement. Un large panel de 78 grandes entreprises représentatives des différents secteurs économiques a permis de révéler l’état des positions à l’aube du déconfinement.

Les entreprises semblent à ce stade ne pas avoir pris complètement la mesure de la crise à venir en restant focalisées sur les urgences immédiates. On les comprend.

Seules 18% d’entre elles anticipent des évolutions profondes de leur politique de rémunération.

Plus étonnant : la plupart des entreprises n’ont opéré aucun changement en matière de rémunération des dirigeants (61% d’entre elles), de rémunération des commerciaux (58%) ou d’objectifs individuels des collaborateurs (60%).

Est-ce à dire que le statu quo va perdurer ? Rien n’est moins sûr…

Notre expert

Rodolphe Delacroix

Rodolphe Delacroix

Directeur Associé Rémunération et Actionnariat

Alixio a recueilli les perceptions des principaux décideurs des politiques de rémunération à travers une enquête réalisée fin avril, au cœur de la période de confinement. Un large panel de 78 grandes entreprises représentatives des différents secteurs économiques a permis de révéler l’état des positions à l’aube du déconfinement.

Les entreprises semblent à ce stade ne pas avoir pris complètement la mesure de la crise à venir en restant focalisées sur les urgences immédiates. On les comprend.

Seules 18% d’entre elles anticipent des évolutions profondes de leur politique de rémunération.

Plus étonnant : la plupart des entreprises n’ont opéré aucun changement en matière de rémunération des dirigeants (61% d’entre elles), de rémunération des commerciaux (58%) ou d’objectifs individuels des collaborateurs (60%).

Est-ce à dire que le statu quo va perdurer ? Rien n’est moins sûr…

Premier enseignement de l’enquête

Les mesures d’activité partielle ont largement joué le rôle d’amortisseur de la crise pour 60% des entreprises.

Plus que leur équilibre financier, les entreprises ont, dans un premier temps, veillé à protéger le niveau des rémunérations de leurs salariés.

En effet, les entreprises ont avant tout cherché à limiter la baisse de rémunération de leurs salariés. Pour près de la majorité d’entre elles (47%), elles ont complété l’indemnisation de l’Etat au-delà de 90% du net, voire dans certains cas étendu les mesures de garanties aux primes de sujétions ou de cycle de travail (prime de postes, primes paniers…), voire aux primes mensuelles ou aux commissions versées aux commerciaux.

Ces premières réactions, sommes toutes limitées, révèlent de la part des entreprises une attitude prudente et mesurée. Les entreprises se sont trouvées de toute évidence, et peut être à raison, plus en réaction qu’en anticipation des prochains changements ou impacts sur les rémunérations.

Au-delà de l’activité partielle, les mesures d’urgence du gouvernement en matière de rémunération n’ont pas eu le succès escompté.

Ni le décalage possible de versement de la participation et de l’intéressement jusqu’à la fin de l’année, ni la nouvelle version de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, n’ont été plébiscités par les entreprises.

La prime Macron

La prime Macron n’a été finalement envisagée que par 44% des entreprises malgré la levée de conditions d’obtention d’un accord d’intéressement pour les entreprises. Mais ceci peut encore évoluer car elles ont jusqu’au 31 août 2020 pour en décider autrement. Quant au report de versement de l’intéressement ou participation, il n’a été certes décidé que par 28% des entreprises pour alléger leur besoin de trésorerie immédiate mais il traduit toutefois bien un besoin de trésorerie urgent pour près d’un tiers des entreprises.

En revanche, les entreprises ont plutôt plébiscité l’une des nouvelles dispositions de la prime Macron à savoir l’ajout d’un critère de modulation basé sur les conditions de travail lié à la crise COVID-19.

64% d’entre elles ont utilisé ce critère de modulation pour attribuer ou faire varier la prime. Qui plus est, elles ont surtout cherché à reconnaitre exclusivement les salariés exposés sur le terrain (57% d’entre elles).

L’introduction de la notion de conditions de travail a toutefois suscité de nombreuses questions de la part des entreprises et notamment quant à la possibilité d’utiliser ce critère comme condition d’éligibilité à la prime.

Dans une instruction diffusée le 5 mai 2020, la direction de la sécurité sociale a commenté les adaptations apportées à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat au contexte de la crise sanitaire. Comme le ministère du Travail, elle considère que son montant peut être modulé compte tenu des conditions de travail des salariés pendant la crise, au point d’être nulle et qu’il est dès lors possible d’exclure les télétravailleurs de son attribution.

Alixio souhaite toutefois tempérer cette possibilité dans la mesure où beaucoup de situations de télétravail ont suscité un engagement sans faille de la part des équipes et ce malgré des contraintes technique, logistiques et/ou familiales de confinement fortement pénalisantes.

La revue des objectifs de performance pour l’année 2020 pourrait se révéler plus compliquée que prévu

Les entreprises sont prudentes sur la revue des objectifs des collaborateurs. Près d’un 1/3 d’entre elles n’ont prévu aucun changement et 15% d’entre elles s’interrogent encore sur les options à envisager : maintien des objectifs en l’état avec prise en compte de l’impact de la crise au moment de l’évaluation (29%), revue des objectifs à la baisse (14%) ou annulation des objectifs en lieu et place de nouveaux objectifs (11%).

Il en est de même pour l’intéressement 2020 où il est encore possible de modifier les objectifs par avenant. Moins d’un quart prévoient de les revoir et 33% considèrent d’ores et déjà qu’il n’y aura pas de versement au titre de 2020.

Certes beaucoup d’entreprises ne mesurent pas la vitesse de reprise ou son impact concret sur leur activité au cours des prochains mois. Un exercice de re-fixation des objectifs peut s’avérer périlleux. Et pourtant la question de la mobilisation des équipes pour les prochains mois reste une question essentielle au succès du redémarrage.

Cette question pourrait inciter les entreprises, et notamment pour leurs commerciaux, à mettre en œuvre des mesures dédiées de redressement et de mobilisation au travers de booster de primes ou de primes exceptionnelles, voire le maintien de garanties assorties de mesures dédiées.

Enfin, les leviers d’optimisation de la masse salariale semblent à date difficiles à appréhender au-delà du report d’augmentation ou du gel des augmentations, plus faciles à activer dans un premier temps

Les entreprises restent très prudentes sur des mesures de baisse de la masse salariale en cas de fortes difficultés économiques.

En effet, une baisse ponctuelle des salaires, des cibles de variables ou une diminution des congés et/ou RTT nécessite une adhésion individuelle de chaque collaborateur.

Ces mesures constituent des solutions temporelles pour faire face à une baisse d’activité passagère mais ne sauraient être retenues dans les entreprises dont l’équilibre financier n’était déjà pas solide avant la période de crise et pour lesquelles des remises en question plus fortes du modèle social s’imposent.

Et si cette crise offrait enfin une opportunité de reconsidérer le statut social plutôt que d’empiler une série de mesures déconnectées des enjeux économiques de l’entreprise et des attentes des collaborateurs ?

Il est vrai que peu d’entreprises (18%) pensent que cette crise va susciter des transformations structurelles de leur politiques de rémunération. Pour autant, une large palette de possibilités (accords dérogatoires aux conventions collectives, Accords de Performance Collective…) s’offre aux entreprises pour infléchir et surtout proposer de nouveaux modèles qui ne laissent pas de côté la question de l’engagement des salariés, contrairement à une idée reçue.

L’enjeu de la transformation n’a jamais été aussi fort. Aucune entreprise ne sortira de la crise sans avoir transformé son mode de fonctionnement, les conditions d’emploi et les compétences de ses salariés, et plus généralement son business model.

La crise économique à venir comportera pour certaines entreprises dont l’activité est structurellement affectée, la mise en place de mesures douloureuses et impopulaires parmi les salariés. Mais elle peut, si les entreprises font preuve de pédagogie et savent impliquer les organisations syndicales dans un diagnostic courageux et partagé de la situation, ouvrir des opportunités nouvelles en termes de parcours professionnels, d’équité interne via la refonte de certains usages et de partage des résultats attendus.

Les entreprises doivent se fixer une nouvelle trajectoire et construire autour des mesures d’ajustements de l’organisation, des emplois, du temps de travail et des dispositifs de reconnaissance à même d’atteindre la cible fixée. La refonte des politiques de rémunération ne pourra pas en être exclue.

« Au-delà de l’activité partielle, les mesures d’urgence du gouvernement en matière de rémunération n’ont pas eu le succès escompté. »

Rodolphe Delacroix

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